« Tu verras maman, tu seras bien »….

 

Un directeur d’EHPAD tĂ©moigne.

Pendant prĂšs de trois ans, Jean Arcelin a dirigĂ© une maison de retraite dans le sud de la France, avant de renoncer, Ă©puisĂ© par un trop-plein d’émotions et rĂ©voltĂ© par la faiblesse des moyens mis Ă  sa disposition.

 

 

 

 

 

Il livre son récit dans un livre « Tu verras maman, tu seras bien » paru aux éditions XO.

 

Dans un entretien Ă  la Presse, il indique (extraits):

 

 

 

 

« C’Ă©tait un Ehpad en souffrance avec un turnover incessant du personnel, un absentĂ©isme massif. Plusieurs rĂ©sidents avaient des problĂšmes de santĂ© graves, et semblaient livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes, n’Ă©taient ni lavĂ©s ni changĂ©s. Dans certaines chambres, on se serait cru face Ă  des scĂšnes de guerre.

Et dans le mĂȘme temps la direction gĂ©nĂ©rale m’obligeait tellement Ă  faire du chiffre que c’en Ă©tait aberrant. Il fallait absolument que l’Ă©tablissement soit rempli au minimum Ă  90 %, sinon cela ne rapportait pas assez. Je devais cocher un tableau de prĂ©sence qui, s’il passait du vert au orange, donnait lieu Ă  des emails de reproches ».

« Cette pression du rĂ©sultat m’a forcĂ© Ă  accepter des rĂ©sidents qui n’auraient pas dĂ» ĂȘtre admis, en raison de leur pathologie parfois dangereuse, alors que nous n’avions pas les moyens en personnel pour nous en occuper sereinement ».

 

« Peu à peu je me suis aperçu que ce business des seniors est impitoyable.

Il fallait tout le temps faire des Ă©conomies. On m’a fixĂ© un coĂ»t de repas journalier Ă  4,35 euros, pour le petit dĂ©jeuner, le dĂ©jeuner, la collation, le repas du soir
 Soit Ă  peine un euro par repas.

On a dĂ» acheter ce qui se faisait de moins cher dans les centrales d’achat, comme du hoki, un poisson qui est franchement mauvais, et que les pensionnaires retrouvaient trop souvent dans leur assiette. Pourtant, on demandait 3000 euros par mois aux familles, et l’Ehpad dĂ©gageait 400 000 euros de bĂ©nĂ©fice net avant impĂŽt ».

 

« Pour donner une bonne image de l’Ă©tablissement, notre direction gĂ©nĂ©rale exigeait que l’on mette de façon bien visible dans le hall d’accueil, qui Ă©tait notre vitrine marketing, des grands-mĂšres plutĂŽt en forme, comme des Mamie Nova souriantes. À l’inverse, on devait planquer discrĂštement les moins prĂ©sentables, sur leurs fauteuils roulants, dans des chambres fermĂ©es, pour Ă©viter l’effet repoussoir »…

« L’Ă©tablissement doit sentir bon, sinon cela signifie qu’il Ă©conomise sur les protections urinaires ».

 

Jean Arcelin conseille aux familles de ne pas hésiter à demander quel est le nombre de soignants par résident, le jour mais aussi la nuit.

Il les incite Ă  manger parfois avec les rĂ©sidents, pour voir ce qu’on leur sert.

Il leur demande de ne pas hésiter à se promener dans les couloirs pour se faire sa propre impression, et à discuter avec le personnel.

Il ne faut pas se contenter de la présentation de la direction qui a tendance à enjoliver les choses.

 

Il conclut l’entretien en ces termes: « C’est un monde vraiment cynique dans son organisation, mĂȘme si heureusement beaucoup de gens compĂ©tents et dĂ©vouĂ©s font de leur mieux »….

 

« Tu verras maman, tu seras bien », de Jean Arcelin, est en vente en librairie au prix de 19,90 €.