Dépôt de plainte pour maltraitance dans un EHPAD de Montélimar

 

Mi septembre 2021, Rance 3 Auvergne – Rhône-Alpes titrait: Drôme: Les drames de la maltraitance passive d’un EHPAD à Montélimar

 

 

Nous en reproduisons ci-dessous des extraits.

6 familles ont porté plainte pour défaut de soins contre le groupe Itinova, gestionnaire de l’EHPAD Sainte-Marthe à Montélimar (Drôme). Selon elles, leurs parents y vivent un quotidien dégradant et parfois dangereux à force de négligence.

« Nos parents sont brusqués, on les force à mettre des couches et ils ne font pas leur toilette tous les jours »

A un premier témoignage anonyme, s’en ajoute près d’une dizaine d’autres, provenant de familles, de personnels, de témoins locaux.

A l’EHPAD Sainte Marthe pourtant, le répondeur téléphonique du groupe promet de traiter les aînés « avec respect et bienveillance ».

Une fille de résidente estime « la situation catastrophique, voire dangereuse ». « Ma mère est régulièrement brusquée, on ne lui fait pas sa toilette, on lui met des protections pour qu’elle se fasse dessus. Ses soins ne sont pas assurés correctement, je trouve ça honteux! » 

Deux jours sans aucun soin 

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est un week-end de l’été au cours duquel aucun soin infirmier n’a été effectué. En clair, pas d’insuline, ni d’anti-coagulant et donc des résidents mis en danger avec des taux de sucre frôlant le coma et des fragilités cardiaques très préoccupantes.

Un épisode qui a décidé six familles à porter plainte auprès du procureur de la République de Valence pour défaut de soins. 

« Il n’y a plus d’infirmière, beaucoup ont démissionné. L’une d’entre elle m’a avoué qu’elle était déçue de quitter son poste mais qu’elle ne pouvait plus rester dans ces conditions » raconte la fille d’un autre résident. « Les infirmières n’ont pas envie d’y aller et les aides-soignantes s’en vont car il y a trop de maltraitance » ajoute une autre proche.

« Je ne peux pas tolérer qu’on dise ferme ta gueule à un de mes parents ! »

Le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des familles c’est « maltraitance passive« . « On n’en veut pas aux employés même si certains sont violents dans leurs mots et dans leurs attitudes » selon une autre témoignage. « Je ne peux pas tolérer qu’on dise ferme ta gueule à un de mes parents ! je me demande jusqu’où ça va aller! » 

Ce que dénoncent également unanimement les familles c’est le silence. « On paie entre 2100 et 2500 euros et quand on ose demander le minimum on a peur, ça ne peut plus continuer. On est déçus ». « On se sent trahis.

Réponse de la direction 

La direction de l’établissement affirme qu’elle « prend toute la mesure de la situation et met tout en oeuvre pour y remédier dans une volonté de renouer le dialogue sans minimiser les problématiques rencontrées. Un directeur par intérim est arrivé récemment en l’absence de la directrice en poste. Le recours à une direction de transition permet de maintenir un interlocuteur de proximité auprès des résidents, des familles et des salariés. »

« l’ordre des Infirmiers de la Drôme a été contacté afin d’intervenir au sein de l’établissement ». 

Selon certains, ces derniers jours, il manquait à nouveau un infirmier et nombre de familles craignent que cela se reproduise. « On joue à la roulette russe » estime une femme qui se dit épuisée par la situation.

 

La maltraitance passive se dit peu et se voit encore moins.

Ces témoignages reflètent un problème structurel: celui d’une fin de vie qu’on ne voit pas derrière des murs où le silence n’est brisé qu’en cas d’urgence.

 

Une maltraitance institutionnelle en France ? 

La France est l’un des pays européens qui compte la proportion la plus élevée de personnes âgées en EHPAD : 8,8 % des 75 ans et plus.

Claire Hédon, la Défenseure des droits a pointé dans un rapport de 2021 une « maltraitance institutionnelle ».

La maltraitance, avait-elle précisé, « peut être qualifiée d’institutionnelle chaque fois que l’institution laisse les faits perdurer sans réagir après de multiples signalements des familles des victimes » ou qu’elle résulte « du manque de moyens de l’établissement ».

 

Toute personne qui a connaissance d’une situation de maltraitance doit la dénoncer, ne pas le faire est puni par la loi.

 

 

Dromalma 29/09/2021

 

 

Maltraitance en EHPAD – la défenseure des droits évoque une « maltraitance institutionnelle – la fédération 3977 réagit à son tour

 

 

EHPAD : la “maltraitance institutionnelle” pointée du doigt par la défenseure des droits

 

 

Dans un rapport publié le 4 mai 2021, Claire Hédon, défenseure des droits, juge que les droits des résidents en EHPAD sont “grandement entravés” depuis le début de la crise sanitaire et met en cause les directions d’établissements et aussi l’État.

Déjà en début d’année, elle alertait sur les privations de libertés dont avaient pu souffrir de nombreux résidents, évoquant les multiples saisines reçues en ce sens.

 

Le rapport rappelle en préambule que la France est l’un des pays européens qui compte la proportion la plus élevée de personnes âgées en EHPAD (8,8 % des 75 ans et plus).

 

Ce travail, lancé début 2019, pointe des situations de maltraitance que syndicats, associations ou journalistes dénoncent depuis plusieurs années et qui proviennent à la fois d’actes individuels, mais aussi et surtout « de carences de l’organisation liées à la pénurie de personnel, à la rotation importante, à l’épuisement des professionnels ou au manque d’encadrement ».

La maltraitance, écrit la défenseure des droits, « peut être qualifiée d’institutionnelle chaque fois que l’institution laisse les faits perdurer sans réagir après de multiples signalements des familles des victimes » ou qu’elle résulte « du manque de moyens de l’établissement ». Sont cités violences physiques, verbales, manquements au soin, à l’hygiène…

 

Appel à la vigilance

Depuis le début de la crise sanitaire s’ajoutent à cette maltraitance de « graves entraves aux droits fondamentaux » des résidents: tests de dépistage non consentis, restrictions de sorties hors périodes de confinement, interdictions de visites pendant de longues semaines…

L’autorité administrative met en cause les directions des établissements dans l’« augmentation de violations de la liberté d’aller et venir des résidents ainsi que de leur droit au maintien des liens familiaux » et aussi l’État, qui n’est pas parvenu à « concilier les enjeux de santé publique avec la nécessité d’une réponse appropriée aux besoins spécifiques des personnes âgées accueillies afin de préserver non seulement leur santé, mais aussi leurs droits et libertés ».

 

Claire Hédon émet soixante-quatre recommandations, parmi lesquelles la nomination d’un « référent consentement » au sein des établissements, la fixation d’un « ratio minimal de personnels travaillant en Ehpad » établi à 0,8 effectif à temps plein (ETP) par résident, ou encore le fait de veiller à ce que les décisions liées au renforcement des mesures sanitaires soient « proportionnées » et prises « pour une durée déterminée ».

Plus de vigilance donc, et surtout plus de moyens pour ce secteur amené à être de plus en plus sollicité.

 

 

La fédération 3977 réagit à son tour

 

 

Le lendemain 5 mai 2021, elle produit un communiqué de presse où elle se dit très préoccupée de la situation des résidents en EHPAD.

Le suivi des alertes pour maltraitance reçues au 1er trimestre 2021 montre une forte augmentation :

+ 555 situations de maltraitances signalées soit + 33% par rapport au 1 er trimestre 2020.

Cette évolution résulte notamment d’appels venant des victimes elles-mêmes (+ 20%) mais surtout de la proche famille (+ 35%).

S’agissant du contexte de ces situations de maltraitances possibles, les alertes portant sur des personnes vivant à domicile ont augmenté (+ 36%) mais ce sont surtout celles observés pour des personnes hébergées ou soignées dans des établissements qui sont en hausse (+ 46%).

Les motifs prédominants de ces alertes portent sur des maltraitances psychologiques, toutefois le non-respect des droits des personnes ainsi que les maltraitances liées aux soins, sont aussi en hausse.

 

Ces données étayent les nombreux constats des centres de la Fédération, selon lesquels de fortes contraintes s’exercent encore sur les personnes résidant dans de nombreux établissements médicosociaux, en particulier les EHPAD, avec de grandes difficultés voire l’impossibilité des visites des familles, ainsi qu’une restriction de la vie sociale déjà pauvre de ces personnes, voire des limitations dans leur accès aux aides et aux soins quotidiens.

Les préconisations des autorités sanitaires d’assouplir ces contraintes et de rétablir les droits fondamentaux des résidents et l’ouverture des établissements aux familles sont appliquées de façon disparate, le consentement des uns et des autres n’est pas toujours sollicité et les dispositifs réglementaires de concertation ne sont pas systématiques.

On comprend mal ces disparités d’un établissement à l’autre, qui ne s’expliquent ni par la situation sanitaire locale, ni par les ressources disponibles, même si celles-ci peuvent être en effet insuffisantes.

La diffusion large de la vaccination, chez les résidents comme chez les professionnels, ne conduit pas toujours à restituer les échanges sociaux pourtant si importants pour ces personnes très vulnérables.

La Fédération 3977 rappelle à ce sujet que chez ces personnes fragiles, l’infection à la Covid-19  menace certes importante, n’est pas la seule à mettre en cause leur pronostic vital : les soins des autres affections, fréquentes chez les résidents, la détresse psychologique et le risque de « syndrome de glissement » doivent également être pris en considération.

 

DromAlma – 05/2021

 

« Tu verras maman, tu seras bien »….

 

Un directeur d’EHPAD témoigne.

Pendant près de trois ans, Jean Arcelin a dirigé une maison de retraite dans le sud de la France, avant de renoncer, épuisé par un trop-plein d’émotions et révolté par la faiblesse des moyens mis à sa disposition.

 

 

 

 

 

Il livre son récit dans un livre « Tu verras maman, tu seras bien » paru aux éditions XO.

 

Dans un entretien à la Presse, il indique (extraits):

 

 

 

 

« C’était un Ehpad en souffrance avec un turnover incessant du personnel, un absentéisme massif. Plusieurs résidents avaient des problèmes de santé graves, et semblaient livrés à eux-mêmes, n’étaient ni lavés ni changés. Dans certaines chambres, on se serait cru face à des scènes de guerre.

Et dans le même temps la direction générale m’obligeait tellement à faire du chiffre que c’en était aberrant. Il fallait absolument que l’établissement soit rempli au minimum à 90 %, sinon cela ne rapportait pas assez. Je devais cocher un tableau de présence qui, s’il passait du vert au orange, donnait lieu à des emails de reproches ».

« Cette pression du résultat m’a forcé à accepter des résidents qui n’auraient pas dû être admis, en raison de leur pathologie parfois dangereuse, alors que nous n’avions pas les moyens en personnel pour nous en occuper sereinement ».

 

« Peu à peu je me suis aperçu que ce business des seniors est impitoyable.

Il fallait tout le temps faire des économies. On m’a fixé un coût de repas journalier à 4,35 euros, pour le petit déjeuner, le déjeuner, la collation, le repas du soir… Soit à peine un euro par repas.

On a dû acheter ce qui se faisait de moins cher dans les centrales d’achat, comme du hoki, un poisson qui est franchement mauvais, et que les pensionnaires retrouvaient trop souvent dans leur assiette. Pourtant, on demandait 3000 euros par mois aux familles, et l’Ehpad dégageait 400 000 euros de bénéfice net avant impôt ».

 

« Pour donner une bonne image de l’établissement, notre direction générale exigeait que l’on mette de façon bien visible dans le hall d’accueil, qui était notre vitrine marketing, des grands-mères plutôt en forme, comme des Mamie Nova souriantes. À l’inverse, on devait planquer discrètement les moins présentables, sur leurs fauteuils roulants, dans des chambres fermées, pour éviter l’effet repoussoir »…

« L’établissement doit sentir bon, sinon cela signifie qu’il économise sur les protections urinaires ».

 

Jean Arcelin conseille aux familles de ne pas hésiter à demander quel est le nombre de soignants par résident, le jour mais aussi la nuit.

Il les incite à manger parfois avec les résidents, pour voir ce qu’on leur sert.

Il leur demande de ne pas hésiter à se promener dans les couloirs pour se faire sa propre impression, et à discuter avec le personnel.

Il ne faut pas se contenter de la présentation de la direction qui a tendance à enjoliver les choses.

 

Il conclut l’entretien en ces termes: « C’est un monde vraiment cynique dans son organisation, même si heureusement beaucoup de gens compétents et dévoués font de leur mieux »….

 

« Tu verras maman, tu seras bien », de Jean Arcelin, est en vente en librairie au prix de 19,90 €.

 

Une direction d’EHPAD dessaisie par sa tutelle

 

 

 

Ce lundi 6 avril 2020, la direction de la Rosemontoise, établissement pour personnes âgées de Valdoie, au Nord de Belfort, a été dessaisie.

 

 

 

Les deux tutelles, l’Agence Régionale de Santé (ARS) et le Conseil départemental prennent la main pour deux mois reconductibles. La direction actuelle reste en place et sera placée sous leurs ordres.

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Coronavirus: Ehpad : les seniors seront coupés du monde

Article paru dans Le Monde – 17/03/2020

 

 

Paul-Loup Weil-Dubuc

Ehpad : les seniors seront coupés du monde

 

 

 

 

 

La décision d’interdire les visites dans les Ehpad est, selon le philosophe, motivée par la peur de « l’opinion publique, qui serait touchée si l’épidémie se propageait aux anciens, mais ne semble pas choquée qu’ils puissent « mourir par isolement »

Le président de la République avait pourtant appelé à des mesures proportionnées. Dans un Ehpad, il l’avait clairement dit : les mesures trop contraignantes ne seront pas « tenables ». Quelques jours plus tard, et d’un seul coup d’un seul, les Ehpad sont interdits aux visiteurs sans que les équipes et les résidents aient eu leur mot à dire, sans qu’ils aient pu anticiper cette mesure.

On ne comprend pas bien. Est- ce là l’idée qu’on doit se faire d’une mesure tenable ? Les personnes âgées vont­-elles tenir ? On n’en sait rien. Leur a­ t’ ­on seulement demandé ce qui est vivable pour elles ?

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