Je subis la maltraitance institutionnelle chaque jour…

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Je subis la maltraitance institutionnelle chaque jour en silence
Perdue dans des souvenirs qui n’ont plus vraiment sens
J’arpente les longs couloirs en taisant ma souffrance
Moi la dame ùgée diagnostiquée avec des troubles de démence.
On ne fait plus trop cas de mes besoins et encore moins de mes envies
Avec un bonjour feint, le matin, on me sort vite de mon lit
Quelques sourires parfois, des paroles qui n’incitent pas à la discussion
On me lave, m’habille, ah le paraĂźtre, il faut que je sente bon…

 

Je subis la maltraitance institutionnelle chaque jour en silence
Perdue dans des actes robotisĂ©s qui n’ont plus aucun sens
J’arpente les longs couloirs en taisant mon impatience
Moi la soignante qui survit au mieux dans toute cette incohérence.
On nous rabùche du « prendre soin », de la charte qualité
Traçabilité, projet de vie personnalisé, à 90 ans passé ?
Au lieu de voir l’avenir, aidons les dĂ©jĂ  dĂšs aujourd’hui
A rire, sourire, partager le peu qu’il leur reste de ressenti

Je subis la maltraitance institutionnelle chaque jour en silence
Perdue dans un monde qui pour moi, n’a aucun sens
RecroquevillĂ©e, souvent je crie ou pleure face Ă  l’ignorance
Moi la personne poly handicapée qui réclame une présence
Mais on me laisse toute la journée dans ma chambre isolée
De la musique pour me tenir compagnie, ce semblant d’humanitĂ©
Juste le temps de me laver, de me nourrir et me changer
Impression de n’ĂȘtre qu’une bouche Ă  qui donner la becquĂ©e.

Je subis la maltraitance institutionnelle chaque jour en silence
Perdue dans des plannings des protocoles qui vont dans tous les sens
J’arpente les longs couloirs en taisant mes sentiments d’impuissance
Moi la cadre de santé plongée dans toute cette effervescence.
J’essaie de faire au mieux avec les attentes de la direction
Et le personnel qui s’épuise et demande un minimum d’attention
Entre les entrées et les recrutements, les sollicitations de tout bord
J’essaie de tenir le cap, ne pas tomber et perdre le nord

Je subis la maltraitance institutionnelle chaque jour en silence
Perdu dans mes Ă©tats d’ñme de vieillard qui perdent leur sens
J’arpente le couloir en taisant mon mal ĂȘtre, j’use de tolĂ©rance
Moi le vieux monsieur qui finit hélas par perdre confiance
Car je sonne et on ne me répond pas ou trop tard
Car je vois autour de moi tant de visages désabusés ou hagards
Des malades délaissés dans des salons devant la télé
Et un personnel si fatiguĂ© qu’on ose Ă  peine les dĂ©ranger


Oui nous sommes tous les victimes de la maltraitance institutionnelle
Que ce soit malade, soignant, la société rejette nos appels
Que faut- il pour ĂȘtre entendu, des faits divers dans les journaux ?
On s’indigne, on jette la pierre Ă  quelques- uns et c’est oubliĂ© aussitĂŽt.
La sociĂ©tĂ© nous fait passer pour des parasites dont on pille l’hĂ©ritage
Pour rentrer dans ces institutions, on vend nos maisons.

Et pour seul bagage on emporte le peu qu’il nous reste, des biens sans valeurs, alors que pour faire marcher le commerce pharmaceutique on vaut de l’or.

Oui nous subissons la maltraitance institutionnelle tous en silence
Mais nous espérons que demain, ce sera vous en qui en subirez les conséquences.
Vous les élus, les patrons, les banquiers qui spéculez sur la dépendance
Subirez, peut- ĂȘtre un jour, les rĂ©sultats de votre incompĂ©tence,
De votre mĂ©pris 
 que vous drapez sous cette totale
 indiffĂ©rence. »…

 

 

 

 

Isabelle Fluckiger Jachym (aide soignante et poĂšte)


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