Maltraitance en EHPAD – la dĂ©fenseure des droits Ă©voque une « maltraitance institutionnelle – la fĂ©dĂ©ration 3977 rĂ©agit Ă son tour
EHPAD : la âmaltraitance institutionnelleâ pointĂ©e du doigt par la dĂ©fenseure des droits
Â
Dans un rapport publiĂ© le 4 mai 2021, Claire HĂ©don, dĂ©fenseure des droits, juge que les droits des rĂ©sidents en EHPAD sont âgrandement entravĂ©sâ depuis le dĂ©but de la crise sanitaire et met en cause les directions dâĂ©tablissements et aussi lâĂtat.
DĂ©jĂ en dĂ©but dâannĂ©e, elle alertait sur les privations de libertĂ©s dont avaient pu souffrir de nombreux rĂ©sidents, Ă©voquant les multiples saisines reçues en ce sens.
Le rapport rappelle en prĂ©ambule que la France est lâun des pays europĂ©ens qui compte la proportion la plus Ă©levĂ©e de personnes ĂągĂ©es en EHPAD (8,8 % des 75 ans et plus).
Ce travail, lancĂ© dĂ©but 2019, pointe des situations de maltraitance que syndicats, associations ou journalistes dĂ©noncent depuis plusieurs annĂ©es et qui proviennent Ă la fois dâactes individuels, mais aussi et surtout « de carences de lâorganisation liĂ©es Ă la pĂ©nurie de personnel, Ă la rotation importante, Ă lâĂ©puisement des professionnels ou au manque dâencadrement ».
La maltraitance, Ă©crit la dĂ©fenseure des droits, « peut ĂȘtre qualifiĂ©e dâinstitutionnelle chaque fois que lâinstitution laisse les faits perdurer sans rĂ©agir aprĂšs de multiples signalements des familles des victimes » ou quâelle rĂ©sulte « du manque de moyens de lâĂ©tablissement ». Sont citĂ©s violences physiques, verbales, manquements au soin, Ă lâhygiĂšneâŠ
Appel Ă la vigilance
Depuis le dĂ©but de la crise sanitaire sâajoutent Ă cette maltraitance de « graves entraves aux droits fondamentaux » des rĂ©sidents: tests de dĂ©pistage non consentis, restrictions de sorties hors pĂ©riodes de confinement, interdictions de visites pendant de longues semainesâŠ
LâautoritĂ© administrative met en cause les directions des Ă©tablissements dans lâ« augmentation de violations de la libertĂ© dâaller et venir des rĂ©sidents ainsi que de leur droit au maintien des liens familiaux » et aussi lâĂtat, qui nâest pas parvenu à « concilier les enjeux de santĂ© publique avec la nĂ©cessitĂ© dâune rĂ©ponse appropriĂ©e aux besoins spĂ©cifiques des personnes ĂągĂ©es accueillies afin de prĂ©server non seulement leur santĂ©, mais aussi leurs droits et libertĂ©s ».
Claire HĂ©don Ă©met soixante-quatre recommandations, parmi lesquelles la nomination dâun « rĂ©fĂ©rent consentement » au sein des Ă©tablissements, la fixation dâun « ratio minimal de personnels travaillant en Ehpad » Ă©tabli Ă 0,8 effectif Ă temps plein (ETP) par rĂ©sident, ou encore le fait de veiller Ă ce que les dĂ©cisions liĂ©es au renforcement des mesures sanitaires soient « proportionnĂ©es » et prises « pour une durĂ©e dĂ©terminĂ©e ».
Plus de vigilance donc, et surtout plus de moyens pour ce secteur amenĂ© Ă ĂȘtre de plus en plus sollicitĂ©.
La fédération 3977 réagit à son tour
Â
Le lendemain 5 mai 2021, elle produit un communiquĂ© de presse oĂč elle se dit trĂšs prĂ©occupĂ©e de la situation des rĂ©sidents en EHPAD.
Le suivi des alertes pour maltraitance reçues au 1er trimestre 2021 montre une forte augmentation :
+ 555 situations de maltraitances signalées soit + 33% par rapport au 1 er trimestre 2020.
Cette Ă©volution rĂ©sulte notamment dâappels venant des victimes elles-mĂȘmes (+ 20%) mais surtout de la proche famille (+ 35%).
Sâagissant du contexte de ces situations de maltraitances possibles, les alertes portant sur des personnes vivant Ă domicile ont augmentĂ© (+ 36%) mais ce sont surtout celles observĂ©s pour des personnes hĂ©bergĂ©es ou soignĂ©es dans des Ă©tablissements qui sont en hausse (+ 46%).
Les motifs prédominants de ces alertes portent sur des maltraitances psychologiques, toutefois le non-respect des droits des personnes ainsi que les maltraitances liées aux soins, sont aussi en hausse.
Ces donnĂ©es Ă©tayent les nombreux constats des centres de la FĂ©dĂ©ration, selon lesquels de fortes contraintes sâexercent encore sur les personnes rĂ©sidant dans de nombreux Ă©tablissements mĂ©dicosociaux, en particulier les EHPAD, avec de grandes difficultĂ©s voire lâimpossibilitĂ© des visites des familles, ainsi quâune restriction de la vie sociale dĂ©jĂ pauvre de ces personnes, voire des limitations dans leur accĂšs aux aides et aux soins quotidiens.
Les prĂ©conisations des autoritĂ©s sanitaires dâassouplir ces contraintes et de rĂ©tablir les droits fondamentaux des rĂ©sidents et lâouverture des Ă©tablissements aux familles sont appliquĂ©es de façon disparate, le consentement des uns et des autres nâest pas toujours sollicitĂ© et les dispositifs rĂ©glementaires de concertation ne sont pas systĂ©matiques.
On comprend mal ces disparitĂ©s dâun Ă©tablissement Ă lâautre, qui ne sâexpliquent ni par la situation sanitaire locale, ni par les ressources disponibles, mĂȘme si celles-ci peuvent ĂȘtre en effet insuffisantes.
La diffusion large de la vaccination, chez les résidents comme chez les professionnels, ne conduit pas toujours à restituer les échanges sociaux pourtant si importants pour ces personnes trÚs vulnérables.
La FĂ©dĂ©ration 3977 rappelle Ă ce sujet que chez ces personnes fragiles, lâinfection Ă la Covid-19 menace certes importante, nâest pas la seule Ă mettre en cause leur pronostic vital : les soins des autres affections, frĂ©quentes chez les rĂ©sidents, la dĂ©tresse psychologique et le risque de « syndrome de glissement » doivent Ă©galement ĂȘtre pris en considĂ©ration.
DromAlma – 05/2021