Une explosion de l’isolement des aĂźnĂ©s
750 000 personnes ùgées sont en situation de « mort sociale », selon les Petits frÚres des pauvres.
L’association alerte sur une hausse continue de la part des plus de 60 ans privĂ©s de contact physique avec leur famille, leurs amis, leurs voisins ou des acteurs associatifs.
Dans une Ă©tude publiĂ©e ce 30 septembre, Ă la veille de la journĂ©e internationale des personnes ĂągĂ©es, Il est dĂ©montrĂ© quâen quatre ans, le nombre de seniors vivant en situation de « mort sociale » a progressĂ© de 42%, pour atteindre un record de 750 000 personnes en 2025.
Les personnes ĂągĂ©es qui dĂ©clarent ne voir jamais ou quasiment jamais d’ami, de parent, de voisin ou d’acteur associatif Ă©taient estimĂ©es dans les prĂ©cĂ©dents baromĂštres Ă 300 000 en 2017, puis 530 000 en 2021. Du fait du vieillissement de la population, elles pourraient ĂȘtre un million dĂšs 2030.
En huit ans, la part des personnes ĂągĂ©es en situation de « mort sociale » a ainsi doublĂ©, passant de 2 Ă 4% de la population de plus de 60 ans, d’aprĂšs une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par l’institut CSA. Cette progression s’expliquerait par l’augmentation de la population ĂągĂ©e, mais aussi par l’impact « durable » de la crise du Covid-19 sur les relations sociales et par la hausse de la pauvretĂ© chez cette catĂ©gorie.
Les personnes plus pauvres s’avĂšrent en effet davantage touchĂ©s (9%), ainsi que les seniors n’ayant ni enfant, ni petit-enfant, ni arriĂšre-petit-enfant (9%) et les 80 ans et plus (6%).
Pas de contacts amicaux réguliers pour 30% des seniors
PrĂšs d’un senior sur trois (29%) ne voit personne de sa famille, hormis quelques fois dans l’annĂ©e. Ils n’Ă©taient qu’un peu plus d’un sur cinq (22%) avant la crise du Covid-19.
Par rapport Ă 2017, l’isolement a progressĂ© dans les trois autres cercles de sociabilitĂ© : 30% des aĂźnĂ©s n’ont pas de contacts rĂ©guliers (au maximum quelques fois par an) avec des amis (+2 points en huit ans), 26% avec des voisins (+5 points) et 62% avec des associations (+7 points).
« On pensait que l’aggravation constatĂ©e en 2021 Ă©tait un accident liĂ© au Covid, qui avait repliĂ© les gens sur eux-mĂȘmes, mais ce n’est pas le cas. On n’est pas revenu aux niveaux d’avant-crise », s’inquiĂšte la prĂ©sidente des Petits frĂšres des pauvres, Anne GĂ©neau. Les contacts avec les commerçants de proximitĂ© et les professionnels Ă domicile (soignants, personnel de mĂ©nage, facteurs) s’effritent aussi, avec moins d’un Ă©change par mois pour 30% des seniors (+2 points par rapport Ă 2017).
« Je parle avec mes murs, mais ils ne me répondent pas. » Patricia, 71 ans
MĂȘme l’isolement numĂ©rique, qui avait fortement reculĂ© durant la crise sanitaire, regagne du terrain.  Le taux de personnes ĂągĂ©es n’utilisant jamais internet est passĂ© de 20% en 2021 Ă 27% aujourd’hui. « De nombreuses personnes ĂągĂ©es en arrivent Ă sacrifier leur abonnement internet pour des raisons financiĂšres » et en raison de la crainte de subir des arnaques ou des piratages en ligne.
Deux millions et demi d’aĂźnĂ©s se sentent souvent seuls
Dans ce contexte, le sentiment de solitude s’installe durablement chez les personnes ĂągĂ©es. Elles sont prĂšs de 6 millions Ă se sentir seules au moins de temps en temps, dont 2,5 millions Ă l’Ă©prouver souvent ou quotidiennement (13%, +2 points en huit ans). LĂ encore, les plus affectĂ©es sont les plus prĂ©caires et les plus ĂągĂ©es.
Ce baromĂštre est un cri d’alerte, affirme Yann Lasnier. L’isolement des personnes ĂągĂ©es n’est pas une fatalitĂ©, mais un enjeu de sociĂ©tĂ© que les pouvoirs publics doivent enfin prendre Ă bras-le-corps. Il est urgent de sortir de l’indiffĂ©rence. »
DĂ©plorant l’absence de « politique cohĂ©rente et ambitieuse » pour le secteur du grand Ăąge, qui a vu dĂ©filer sept ministres en quatre ans, les Petits frĂšres des pauvres appellent Ă Ćuvrer pour la prĂ©servation du lien social et pour un meilleur repĂ©rage des personnes seules. En ces temps de disette budgĂ©taire, l’association rĂ©clame aussi un chiffrage du « coĂ»t Ă©conomique de l’isolement social », qui pourrait s’Ă©lever chaque annĂ©e Ă des « milliards d’euros », du fait des rĂ©percussions sur la santĂ© et sur l’autonomie des seniors.
Source franceinfo